L'empreinte du vide - auteur

Note de l’auteur
 
Après plusieurs années d'écriture et d'hésitations, j'ai estimé que ce "premier" roman devait sortir. Avant qu'il ne soit trop tard, et même si, à certains égards, il est déjà trop tard...

Je signe sous un nom de plume. Je le confesse, mais ne m’en repens point, car il y a bien des raisons à cela. On découvre la littérature en lisant. On l’explore plus avant en écrivant. Mon métier de sociologue ne permet pas de pratiquer l’enquête sur moi-même car l’auteur d’un texte scientifique doit s’effacer derrière son sujet. La véritable enquête personnelle est dans la littérature, là où l’auteur est tout entier dans son sujet. J’ai donc décidé de prendre le large, de faire des escapades, car un homme libre n’est pas rivé à son métier. Il me plaît d’inventer d’autres mondes à travers la littérature et pas uniquement de restituer le monde à travers la science. Lequel de ces deux exercices est le plus périlleux ? La réponse à cette question en dit long sur la liberté dans une société. Bien entendu, même lorsqu’il n’est pas prisonnier d’un régime politique autoritaire, le romancier s’auto-censure constamment. Mais sa pudeur lui appartient : c’est lui qui fixe la limite entre l’immergé et l’émergé. C’est à l’intérieur que se délibère la parole. Lorsqu’elle est en premier lieu fixée du dehors, la censure aliène les individus. Elle leur dénie la capacité éthique du sujet, elle réduit la conscience à la mauvaise conscience. Face à cette menace, il faut se réveiller. Il faut réaffirmer ce qui fait de nous des êtres pensants, pour qu’on ne puisse pas interdire de penser. La création artistique est une lutte. Mais avant que d’être une lutte, et pour gagner cette lutte, elle doit d’abord être plaisir. La pratique spontanée de l’écriture littéraire, d’abord tentée juste pour voir, m’a beaucoup apporté. La grâce du roman, c’est la liberté empirique. Par la littérature, l’auteur se libère de ses déterminations en les mettant à distance. Il peut enfin dire quelque chose. Et il peut parachever cette distanciation en choisissant un nom de plume. Il choisit alors plus librement le tremplin d’où il embrasse le monde et y plonge. Prendre un nom de plume est un acte par lequel l’auteur cherche sa meilleure liberté, car l’œuvre et la posture s’élaborent réciproquement. Les auteurs qui signent de leur vrai nom ont peut-être davantage de courage ou peut-être courent-ils et font-ils courir moins de risques, qui sait ?... A chacun ses raisons. Mon pseudonyme n’est pas juste un autre nom. Ce n’est pas un paravent, c’est tout un programme ! Les esprits perspicaces sauront le voir. Je ne me cache pas derrière un nom, j’affirme une posture : la poésie est la seule défense contre la barbarie. On peut appeler cette dernière et ceux qui la perpétuent comme on veut, et il m’arrive aussi, hélas, d’en faire partie. Il faut savoir reconnaître ses faiblesses pour espérer les dépasser. C’est donc bien l’éthique de la responsabilité qui m’anime et l’immodestie de mon pseudonyme n’est que fausse apparence. Car l’important c’est ce qu’on fait ou tente de faire face à la suffisance. J’ai inventé un nouveau verbe pour dire comment je m’y prends : poétiquement. Définition du verbe (à soumettre un jour à l'Académie française...):

Enguitarer:
Verbe transitif.
Signification 1: mettre dans une guitare.
Signification 2 (fig.): acte symbolique consistant à parer (quelque chose ou quelqu’un) de musique, ou à surmonter (une difficulté, un obstacle, une chose fâcheuse) de manière poétique.
Synonymes: embellir, sublimer ; plus souvent : railler, ironiser.
Exemple: Georges Brassens enguitare les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part ».

Le charme serait brisé si je signais ces lignes de mon vrai nom. Celles et ceux qui me connaissent bien me reconnaîtront, et pour les autres cela ne doit pas avoir d’importance.
 
Jean-Guy Tarlescons

 

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